Nous remercions toutes les personnes qui nous ont permis d’organiser cette réunion et notamment Guillaume de nous avoir accueilli dans sa librairie « Les rebelles ordinaires » le 9 novembre 2017.
Voici les thèmes et questions abordés au cours de cette réunion :
1/ S’il n’y a pas de programme, qu’y a-t-il alors dans une école démocratique « Sudbury » ?
Pour bien comprendre ce que sont de telles écoles, il va nous falloir oublier tout ce que l’on sait sur les écoles conventionnelles et même sur les versions les plus progressistes de celles-ci. Ce sont des écoles totalement différentes. Peter GRAY (psychologue du développement, directeur du Boston College), nous conseille de nous imprégner de l’idée suivante : dans une école « Sudbury », ce ne sont pas les adultes qui contrôlent l’éducation des enfants, les enfants s’éduquent par eux-mêmes. » (Extrait de « Libre pour apprendre »).
Les membres de ces écoles sont libres d’occuper leurs journées comme ils le souhaitent. Ils ne sont pas assignés à un endroit ou à un groupe en particulier. Ils se consacrent à ce qui les intéresse sans contrainte de programme ni de temps ; Ils ont donc la possibilité d’expérimenter et même de devenir des experts dans ce qu’ils entreprennent. La seule contrainte est le respect des autres et du règlement intérieur (décidé et mis en place par tous les membres). Pour garantir la sécurité et la liberté de tous, chacun est responsable de lui-même mais aussi de la collectivité.
Les écoles démocratiques « Sudbury » offrent à leurs membres un lieu de vie et de ressources (livres, manuels, ordinateurs, outils d’observation scientifique, jeux divers, instruments de musiques, matériel d’Art, outils de bricolage, jeux d’extérieur, matériel de sport...), des salles à thème, un espace extérieur naturel (potager, fleurs, arbres,…), des membres du personnel bienveillants avec des compétences diverses. Tout cela est à disposition de tous, pour permettre l’apprentissage dans une grande diversité de matières et de domaines.
2/ Le socle commun de compétences, de connaissances et de culture – y a-t-il des obligations ?
Les lois et textes officiels donnent l’obligation à toutes les écoles, de mettre à disposition des enfants, les outils nécessaires pour atteindre les niveaux requis du socle commun de compétences, de connaissances et de culture jusqu’à l’âge de 16 ans. A la différence des écoles publiques et des écoles privées sous-contrat, les écoles dites « hors-contrat » (comme tel est le cas pour les écoles démocratiques) ont donc la possibilité de transmettre ce socle commun sans suivre le programme de l’Education Nationale.
Néanmoins, toutes les écoles sont inspectées. L’inspecteur a pour rôle de contrôler et de conseiller sur les moyens mis en oeuvre pour valider le socle commun de compétences. Pour y répondre, un logiciel dénommé « Athéna » a été créé par Arthur SANCERNI (membre du personnel de l’école dynamique de Paris), que nous utiliserons dans notre future école. C’est une plateforme en ligne de suivi des apprentissages : Elle permet de relier efficacement les activités, jeux et autres apprentissages libres que réalisent quotidiennement les membres de l’école, aux exigences du socle commun de compétences, de connaissances et de culture. Ainsi, chaque membre bénéficie d’un suivi personnalisé à 100%.
3/ S’il n’y a pas de cours, comment peut-on apprendre dans ce type d’école ?
Cette question soulève une autre question: qu’est-ce qu’apprendre ?
« Les enfants ont une formidable capacité à apprendre : c’est un processus irrépressible, qu’on ne peut ni empêcher ni contrôler. Ils apprennent chaque jour, en interaction avec leur entourage, en suivant leurs propres intérêts. » Extrait de « Les apprentissages autonomes » de John HOLT (ancien instituteur puis professeur en science de l’éducation aux Universités de Harvard et de Berkeley).
Peter GRAY a réalisé des travaux de recherches pour comprendre les apprentissages des enfants dans les cultures de chasseurs-cueilleurs et dans la nôtre. Il a étudié notamment le fonctionnement de la Sudbury Valley School. Dans « Libre pour apprendre », il défend l’idée selon laquelle des enfants libres de poursuivre leurs propres centres d’intérêts au travers du jeu assimilent tout ce dont ils ont besoin de savoir. Il affirme également que : « le jeu en toute liberté est le meilleur moyen pour apprendre à gérer sa vie, à résoudre ses problèmes, à vivre en communauté et à devenir émotionnellement équilibré. »
André STERN, (musicien, compositeur, luthier, auteur et conférencier dans les universités et auprès des professionnels de l’éducation) parle de dispositions spontanées dont chaque enfant est équipé à la naissance, parmi lesquelles le jeu, l’enthousiasme, la curiosité et la sociabilité. Extrait de son dernier livre « Jouer » : « Nos enfants ne font aucune distinction entre jouer et apprendre. Ces notions sont des synonymes à leurs yeux. C’est pourquoi ils ressentent comme une injonction paradoxale la demande qui est faite, un matin tombé des nues, d’arrêter de jouer pour se mettre à apprendre. C’est ce que vous ressentiriez si je vous demandais de respirer sans prendre d’air. »
Jean-Pierre LEPRI (docteur en éducation et en sociologie, professeur d’école, formateur d’enseignants, inspecteur, initiateur du CREA – Apprendre la vie), s’est posé la question dans son livre intitulé « La fin de l’éducation ? Commencements… » : Qu’est-ce qu’apprendre ?, il répond : « Apprendre, c’est vivre… et inversement », « apprendre est un acte distinct de celui d’enseigner », car « j’apprends quand je suis impliqué dans ce que j’apprends. J’apprends ce qui a du sens pour moi. »
Daniel GREENBERG, qui a été professeur de physique à l’université de Columbia avant de cofonder la Sudbury Valley School en 1968, le rejoint sur ce point fondamental : L’apprentissage autonome fonctionne et est plus efficace parce qu’il a été voulu et choisi par l’intéressé lui-même. (Daniel GREENBERG est l’auteur de « l’école de la liberté » paru en 2017 chez mama editions).
Un exemple concret :
Comment les enfants apprendront l'orthographe et la grammaire dans une école démocratique où les adultes n'ont pas vocation à leur enseigner s'ils ne le souhaitent pas ?
Comme le précise Bernard COLLOT, écrivain et enseignant – auteur de « Une Ecole du 3ème Type » : « La grammaire et l’orthographe n’ont d’intérêt que lorsqu’on écrit pour que d’autres lisent et donc pour être compréhensible.
L’intérêt n’est pas la grammaire, c’est écrire. Il faut donc qu’il y ait mille raisons, mille plaisirs, mille besoins d’écrire, mille personnes qu’on voit écrire et même qui vous écrivent ! Exactement comme pour apprendre à parler. Et comme pour parler et rendre compréhensible sa parole, il n’est pas besoin de savoir à l’avance l’inextricabilité des règles qui régissent une langue, on s’essaie, un autre vous aide à rectifier, à réécrire… parfois une règle peut aider mais sans plus. Et après des enfants vous diront « Ah ! C’est ça un complément d’objet ! Facile : il y a belle lurette que je m’en servais ! »
Nous apprenons naturellement, tous, chaque jour, de ce que nous faisons, de l’interaction avec notre entourage, du milieu dans lequel nous nous trouvons, parce que c’est vital pour nous.
Quand il est tout petit, un enfant apprend à marcher et à parler sans contrainte, programme, ou méthode spécifique. Tout être humain a besoin de parler pour interagir avec son environnement, c’est tout à fait naturel. Et quand il va grandir, il en sera de même pour lire, écrire et compter. Ces compétences sont appelées fondamentales pour une bonne raison : on ne peut pas vivre sans.
Selon les neurosciences, des études affirment que l’enfant naît avec tout ce potentiel de découverte et cette soif d’apprendre. D’où l’importance qu’il évolue dans un environnement propice à son développement. Tous les membres d’une école démocratique apprennent à lire, écrire et compter à leur rythme, sans recevoir d’enseignement formel de la part d’un pédagogue diplômé. Ils sont confrontés chaque jour à des problématiques qu’ils ont librement choisies (par exemple : pour réaliser un gâteau, les membres vont devoir lire la recette, calculer les quantités des ingrédients nécessaires, etc…), et les membres du personnel leur font confiance pour les résoudre par eux-mêmes ou pour demander de l’aide s’ils en ont besoin.
Aussi, en offrant aux enfants la possibilité d’apprendre ce qu’ils souhaitent, où, quand, comment et avec qui, nous leur permettons d’être non seulement créateurs de leurs apprentissages mais par-dessus tout, nous leur permettons de mieux se connaître, de découvrir leurs propres centres d’intérêts, leurs passions et de les approfondir.
4/ Je suis au Lycée ? Le système conventionnel n'est pas adapté pour moi, puis-je rejoindre une école comme la vôtre si je suis en échec scolaire ?
L’admission de nouveaux membres peut se faire tout au long de l’année (suivant la place disponible et une répartition équilibrée des âges). Il n’y a pas d’exigence en termes de « niveau scolaire ». Les principaux critères sont l’autonomie et la responsabilité* : Dès l’instant qu’une personne émet le souhait d’intégrer une école démocratique, qu’elle est suffisamment autonome et responsable, qu’elle adhère au fonctionnement de la structure, et qu’elle s’engage à participer à la vie en collectivités, elle a toute sa place au sein de l’établissement.
Après un premier entretien avec la personne concernée et ses parents, une période d’essai de 2 semaines minimum sera proposée. Celle-ci permettra au membre potentiel et à l’école de décider s’ils souhaitent continuer l’aventure ensemble.
*Pour les membres de moins de 5 ans, nous accepterons uniquement des enfants propres et autonomes (pour manger, s’habiller, se chausser et aller aux toilettes).
5/Le Conseil de Justice. Qu’est-ce qu’on y fait ?
Le fonctionnement démocratique réside dans la présence d’un Conseil d’école (CE), qui se réunit chaque semaine et qui est ouvert à tous les membres de l’école. Un même pouvoir décisionnaire est accordé à tous, quel que soit leur âge, pour proposer, débattre et voter ensemble des décisions du vivre-ensemble et de la gestion de l’établissement (Règlement intérieur, gestion financière, ressources matérielles, humaines, aménagement du lieu, relations publiques...).
L’une des missions les plus importantes du CE est la régulation du comportement dans l’école, dans la mesure où il affecte le collectif. Pour gérer cela, le CE mandate un organe appelé Conseil de Justice (CJ). Il est composé d’un président et d’un secrétaire élus pour une période définie et par un jury composé de 3 à 4 membres représentant chaque tranche d’âge. Le CJ se réunit chaque jour pour régler avec bienveillance les conflits et litiges de la veille.
Voici son fonctionnement : chaque membre, s’il est témoin d’un acte qui transgresse le règlement voté par Le CE ou s’il est victime d’un acte d’agression, peut déposer une « plainte ». Pour cela, il remplit un document mis en libre-service dans un endroit défini et le dépose dans une urne. Le lendemain matin, chaque plainte est étudiée par le CJ, qui appelle tous les membres impliqués pour chaque cas à venir témoigner ou se défendre. Puis une sanction mesurée, selon la gravité de l’acte est proposée. Le membre qui a commis l’acte bien souvent, propose de lui-même sa propre sanction. En général, celle-ci est un simple rappel du règlement intérieur.
Le CJ est le garant d’un environnement sécurisé favorable à l’épanouissement d’un climat de paix et de liberté pour l’ensemble du collectif. Chaque membre de l’école (enfants/adolescents/membres du personnel) en est donc responsable.
6/Les espaces – à quoi ressembleront les locaux de l’Ecole Respire ?
C’est un lieu de vie et de ressources avec, par exemple :
-
Un espace accueil à l’entrée (rangement pour les chaussures, portes manteaux)
-
Une cuisine équipée
-
Un espace pour l’Art
-
Un atelier
-
Un espace pour la musique
-
Un espace calme pour le repos, la lecture
-
Un espace informatique pour la recherche, les projets et les jeux
-
Une bibliothèque et ludothèque
-
Un espace pour la science et l’observation
-
Un espace pour la danse, le yoga, la gymnastique…
-
De grands espaces extérieurs pour jouer, explorer, s’aérer (potager, balançoire, toboggans, matériel de sport…)
7/ Quel est le modèle économique de votre école ?
Les écoles démocratiques sont des établissements privés hors-contrat ; Et ne bénéficient donc d’aucune subvention de la part de l’Etat. Leurs principales ressources financières sont les frais de scolarité. Ceux-ci dépendent en grande partie du loyer des locaux, des besoins pour le fonctionnement de l’école et de la rémunération des membres du personnel.
Soucieux d’être ouvert à toutes les familles, nous souhaitons dès que possible proposer une aide financière sous forme de bourses, grâce à de généreux mécènes.
8/ Quel est la place des parents dans une école démocratique d’inspiration Sudbury telle que l’Ecole Respire ?
Nous proposerons un accompagnement des parents pour bien comprendre le mode de fonctionnement de l’école sous forme d’entretiens individuels, de réunions collectives et d’échanges d’informations (blog). Il faut du temps pour s’imprégner de la philosophie d’une école de type « Sudbury », et il y a une période de « dé-formatage » à faire pour prendre véritablement conscience de tout ce qu’implique le fait d’avoir un enfant membre d’une telle école.
Etant un lieu où chacun est libre et responsable, nous respecterons la vie privée de tous les membres de l’école: nous ne donnerons donc aucun détail sur leurs activités sans leur accord.
Aussi, l’école Respire n’est pas une école parentale. Nous attendons des parents qu’ils soutiennent leur(s) enfant(s) ainsi que l’approche éducative et la philosophie choisie par l’école.
En tant que lieu de vie ouvert sur le monde, notre école sera heureuse de multiplier les interactions avec les personnes adhérant à nos valeurs, à plus forte raison lorsqu’il s’agit des parents de ses membres.
Écrire commentaire